Martine Segalen, Vie d’un musée. 1937-2005, Stock, 2005.
L’histoire du musée national des arts et traditions populaires (MNATP), se termine au printemps 2005, soixante-dix ans après sa création. Pour Martine Segalen, qui a dirigé pendant dix ans le Centre d’ethnologie française, laboratoire rattaché au musée, c’est « un crève-cœur, la fin d’une aventure et l’enterrement d’un grand projet ». C’est aussi le moment de revenir sur cette histoire riche d’enseignements sur les rapports entre politique et culture, beaux-arts et arts populaires, identité, nation et patrimoine. À l’origine des ATP, il y a d’abord la folle ambition d’un homme, Georges-Henri Rivière, visionnaire, passionné et prêt à tous les revirements idéologiques pour mener à bien son dessein. Présenté comme une vitrine du peuple au temps du Front populaire, un temple des traditions soutenu par la Confédération paysanne sous Vichy et un lieu de modernité scientifique et muséographique après la guerre, son musée est finalement installé, en 1972, dans un bâtiment flambant neuf construit au Bois de Boulogne. Une apothéose, qui donne à l’ethnologie de la France, jusque-là parente pauvre de l’ethnologie exotique, une légitimité nouvelle. Mais un succès de courte durée car, dès la fin des années 1980, alors qu’en province le mouvement des éco-musées suscite un engouement croissant, les visiteurs se font rares, le soutien de la direction des musées de France fait défaut et l’établissement s’enlise dans la crise qui lui sera fatale. En s’appuyant à la fois sur des archives inédites et sur une expérience vive, Martine Segalen offre, dans ce livre rigoureux et personnel, une réflexion de fond sur le devenir des musées d’ethnologie en France, pris entre tutelle publique, enjeux politiques et évolutions de la société.