Remise en boîtes
L’exposition Remise en boîtes revient sur le désir de commémoration manifesté en 2004 à l’occasion du Centenaire du MEN. Concernant la société à bien plus grande échelle, le phénomène a gagné en intensité en cette année 2005 que l’obsession décimale connecte à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Pris dans le filet des activités quoti-diennes, des habitudes sécurisantes et des cérémonies répétitives, les êtres humains mesurent rarement la fragilité de leur présence au monde. Quand surviennent la mort, le drame, l’évé-nement ou la catastrophe, ils découvrent avec stupeur que «ça n’arrive pas qu’aux autres».
L’exposition pose la question du deuil et de la construction d’une mémoire collective à partir de faits tragiques dont les traces sont parfois volontairement effacées, mais plus généralement racontées, commentées, diffusées, analysées et transformées par les victimes, les témoins, les professionnels de l’information, les écrivains et les représentants de l’industrie du spectacle.
Au-delà des réactions à vif de l’ensemble du corps social, elle s’interroge sur le travail des vestales obstinées et des archivistes pointilleux qui entretiennent le souvenir des humains, de leurs activités banales et des événements exceptionnels dans lesquels ils ont été engagés. Leurs actions soulignent que la mort n’est pas une fin, que le deuil prend du temps et que les humains reviennent inlassablement autour du cadavre ou des faits tragiques tant qu’une cautérisation efficace n’a pas été collectivement vécue. La notion d’âme errante et de morts-vivants n’appartient par conséquent pas qu’au registre du cinéma d’horreur mais concerne, ne serait-ce que métaphoriquement, toutes les communautés humaines.
L’exposition met ensuite en évidence les excès d’un marché qui exploite jusqu’à la corde le besoin de se souvenir et celui d’oublier, en nous poussant à régresser vers un passé nostalgique ou idéalisé, à baliser notre existence par des marques rituelles et des reliques, à tenter de forcer les portes de l’anonymat ou à régler des comptes avec notre histoire.
Suggérant que certains individus sont extraits de la masse des anonymes pour devenir des ancêtres et structurer pendant plusieurs générations les rapports au savoir, au pouvoir et aux croyances, elle renvoie enfin chaque visiteur à la diversité des traces organisant le rapport à ses proches, aux membres de sa communauté, aux morts illustres qui influencent son existence, aux événements qui le touchent ou l’indiffèrent et au reste de l’humanité qui partage avec lui une même finitude.
Sources : https://www.men.ch/fr/expositions/anciennes-expositions/black-box-depuis-1981/remise-en-boites